jeudi 17 mai 2012

Dieu et religions

Aux antipodes de la foi (qui comme le sacré et contrairement aux idées reçues, n’est pas religieuse pas essence) il est évident, ne serait-ce que par la justification qu'elles ont toujours offertes aux fous mégalomanes et aux profiteurs sans âme, que les religions dogmatiques, notamment celles dites « du Livre », sont une des pires plaies qu'ait jamais connu l'humanité. Bien sûr, on peut leur reconnaître un rôle structurant, une capacité à préserver un temps certaines valeurs et certains repères de bon sens. On peut aussi objectivement constater que ces montagnes d'énormités accouchent de temps à autres de souris admirables comme l'abbé Pierre, même si la tentation est grande de procéder à leur basse récupération, post mortem ou non, en tant qu’icônes.

S’il s’agissait de l’exercice d’une liberté de choix, je n’aurais aucun problème à accepter cette propension qu'ont les gens à adhérer à des dogmes religieux envers lesquels pourtant, seule une lobotomie ou une insolation sévère pourrait m'aider à éprouver une once de sympathie : tant qu'on ne me les impose pas et qu'ils ne polluent pas mon environnement, je les tolère et je me garde de juger les gens qui y adhèrent pour des raisons qui leurs sont propres et qu'à défaut de partager, je respecte.

Mais la religion est malheureusement le plus souvent choisie par nos parents ou notre société. Elle nous est inculquée profondément sans préparation à un âge où nous ne disposons pas du bagage et de la maturité intellectuelle suffisante pour nous protéger de ce conditionnement. La preuve en est que, par exemple, même l’athéisme « post catholique » est imprégné de valeurs de tolérance « a priori » au nom d’une appartenance à la même humanité, qui ne sauraient s’expliquer autrement que par un glissement culturel.

Dans une société responsable, l’histoire des religions, leurs concepts et leur diversité devraient être enseignés, analysés et discutés à l’école, le baptême devrait être illégal jusqu’à la majorité et je ne parle même pas des circoncisions et autres mutilations, participant du même principe, et que les parents font subir à leur progéniture en toute bonhommie, victimes de leur propre conditionnement.

Tant que la situation sera ainsi, j’aurai cette propension à bouffer tous les jours du curé, du rabbin et du mollah avec en dessert un cake aux témoins de Jéhovah saupoudré de Dallai Lama fraichement réincarné, râpé en gingembre spirituel pour la touche d'exotisme qui relève si bien les plats un peu fades.

Il n’en demeure pas moins que le constat est là et qu'accepter des révélations abracadabrantes, souvent parce qu'on est tombé dedans quand on était petit, sans au moins une fois s'être demandé ce que pouvait ou ne pouvait pas être Dieu, ne semble pas poser de problème à la grande masse des croyants. On m'objectera que la foi consiste justement à croire en l'inexplicable, certes, mais que dire alors de toutes ces explications simplistes que les sectes religieuses dispensent à leurs ouailles pour attiser leur dévotion.

Le problème de toute réflexion, ce sont les postulats de départ. Non seulement ils sont tous faux de par les limites de la nature humaine, mais souvent la focalisation se fait sur un point de détail. Un point qui suppose l'adhésion à un empilement de postulats bancals préliminaires, emboités comme des poupées russes, et qui ne sont jamais remis en question.

C'est d'autant plus vrai sur les questions religieuses qui conduisent souvent à s'entre-tuer joyeusement au sujet du caractère sacré de la poussière émise par la fée clochette sans se sentir perturbé le moins du monde par l'admission implicite qui en découle de l'existence de Peter Pan et du pays imaginaire.

Il est des  mots comme "amour", "bien", "mal " que tout le monde prononce à tour de langue sans vraiment y penser, sans réaliser qu'ils ont un sens différent pour chacun quand seulement ils en ont un. Des mots qu'il est impossible de définir si ce n'est par des exemples et des analogies qui au mieux couvrent une partie seulement de la définition.

Beaucoup de réponses ont été données à ce que l'on doit faire au nom de Dieu. Mais toutes ces règles et tous ces dogmes n'abordent au mieux que de façon parcellaire  la définition de Dieu lui-même.

On tente d’ailleurs toujours, dans un réflexe d’autodéfense sectaire, de décourager l’analyse logique. Je crois que c’est Luther qui disait à ce sujet : « La logique est la putain du Diable ! »

Une des premières questions que l'on se pose quand on cherche à définir Dieu est de savoir s'il est infini ou, plus exactement, s'il est tout et en tout. En effet, de même qu'une droite est infinie et qu'il y a une infinité de droites, il pourrait y avoir une infinité de dieux infinis. Il faut donc que ce Dieu infini soit tous les infinis à la fois. S'il n'est qu'une partie - même si parlant d'infini on peut penser que la partie (infinie) est aussi grande que le tout (infini) - il n'est pas Dieu (unique) mais seulement dieu (potentiellement pluriel).

Si l'on croit en un dieu qui n'est pas infini et qui n'est pas tout et en tout:

1) il ne peut être considéré comme un dieu que dans la mesure où il est « supérieur » à l'homme, au même titre que les dieux grecs et romains ; un sous-dieu en quelque sorte,

2) cela n'exclut pas un Dieu infini qui « l'englobe » ni l'existence au-dessus de lui (le sous-dieu) d'une hiérarchie de dieux gigognes.

Donc, me direz-vous : « Dieu est infini !  Dieu est tout et en tout! Amen, problem solved!».

Oui, mais se pose alors immanquablement une autre question tout aussi fondamentale : « Dieu est-il conscient ? ».

Étymologiquement on ne peut être conscient qu'à l'intérieur d'une limite. Dieu n'a certes pas à répondre à des règles étymologiques qui ne sont qu'une louable tentative de transformer en mots manipulables des concepts qui échappent à l'entendement et à la perception du cerveau humain. On peut quand même admettre qu'il serait inquiétant de considérer qu'un Dieu infini et omniprésent pense comme un homme lequel est limité par ses capacités et sa vision partielle autant que temporelle de ce qu'il perçoit comme l'entourant. Dieu, ne pouvant avoir d'image ni de limite qui lui permettent de se définir (sans même parler de temps linéaire pour organiser une pensée), ne peut pas penser du tout ou, tout du moins, pas réfléchir. En tout cas, pas au sens ou nous l'entendons.

Tout ça pour dire que la croyance en un Dieu omniprésent, infini, conscient, parfait et bienveillant est un conglomérat d'oxymores cosmiques.

En outre, s'il est tout et en tout cela veut dire que nous faisons tous partie de lui, au même titre, non pas que les cellules, mais que les quarks des protons des atomes des cellules qui nous constituent. Autant dire que même si la notion de temporalité s'appliquait à ce Dieu infini pour lui permettre de donner une réalité à notre existence infiniment éphémère, il aurait probablement pour nous la même considération que celle que nous avons pour nos quarks. Ce n'est donc sûrement pas vers lui qu'il faut se tourner pour qu'il nous gratifie des bons numéros du loto en réponse à notre prière.

D'ailleurs, lorsqu'un individu se dilue dans quelque chose, on ne parle plus de conscient mais bien d'inconscient collectif.

Dieu ne peut donc être conscient et encore moins avoir des plans et une volonté au sens ou nous l'entendons.

Les dieux qui font l'objet de la plupart de nos dogmes religieux fondateurs, ne peuvent donc appartenir qu'à la seconde catégorie des sous-dieux, finis, imparfaits et conscients. Rendus à ce niveau, des extraterrestres feraient aussi bien l'affaire.

Une autre façon encore plus simple de poser le problème est de se demander si ce pléonasme qu’est un « Dieu parfait » pourrait avoir des besoins. La réponse est évidente. S'il a des besoins, notamment celui de créer, d'être vénéré et d'être aimé, il n'est pas parfait et ne peut être au mieux considéré que comme une entité supérieure (au sens de plus puissante).

On pourrait encore se creuser les méninges en déclinant la théorie du multivers et en s'interrogeant sur la notion de réalité, mais au delà d'un certain stade on tombe dans une forme de sodoku théologique qui ne peut conduire qu'à la prise de conscience de notre incompétence à trouver une réponse. La poursuite de la réflexion n'étant plus que de l'ordre du passe-temps plaisant, mais stérile.

Je ne dis donc pas qu'il n'y a rien, je dis simplement que les dogmes religieux, notamment dans leur version "grand public", sont à peu près aussi crédibles que le Père Noël ou la petite souris des dents. Ils nous font passer pour Dieu ce qui au mieux (c'est à dire si elle existe ou a existé) est une simple entité. Nos dieux sont trop à notre image (et non l'inverse) pour que nous ne les ayons créés.

Ces vastes entreprises d'escroquerie que sont à mon sens les religions, ne subsistent que parce qu'elles ont réussi à détourner à leur profit la foi et le sacré qui sont indispensables à la réalisation de l'Homme.

L'homme qui escalade la plus haute montagne, ne peut y parvenir que s'il a la foi. Et quand il regarde autour de lui perché sur le toit du Monde, il comprend ce qu'est le sacré. Quand il voit naître son enfant, il comprend ce qu'est le sacré. Pas besoin de religion pour ça.

Pire, les religions, une fois le monopole acquis, se sont mises à sacraliser tout et n'importe quoi pour des raisons bassement intéressées : les rois, les reliques, les textes... remplaçant le sacré ressenti (que l’on peut aussi éprouver je l'admets dans certains bâtiments religieux) par le sacré décrété qui plonge dans le doute, la rigidité et l'obscurantisme. Le sacré ressenti est universel et, de ce fait, est facteur de paix. Le sacré religieux décrété est relatif, subordonné à une foi et, de ce fait, facteur de guerre dès qu'il est confronté à un sacré différent.

Toutes les religions ont donc de fait en elles une potentialité de nuisance. Si l'on se limite à celles qui nous sont proches culturellement, on s’aperçoit que même si cette nocivité a pu évoluer selon les époques, elle reste entière encore aujourd’hui, sous une forme ou une autre.